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"I'll tell you all my secrets but I'll lie about my past."
12 novembre 2015

Première pluie de novembre

La maison est toute petite, et depuis la rue, on peut voir son petit préau qui semble s'enfoncer dans le sol, laissant à peine entrevoir deux-trois objets déprimants de banalité et pourtant si rassurants par leur normalité. Un vieux bidon d'huile de vidange, un meuble en bois sombre, détrempé par l'humidité, qui a du être un jour une petite étagère ou une table d'appoint. Quelques rondins de bois empilés au fond du préau, qui font écho à l'odeur âcre et chaleureuse de la fumée de cheminée que l'on respire dans l'air. Une vieille table de jardin en plastique, qui devait être blanche jadis, fait reluire son gris cendre de saleté sous les nuages. Une flaque d'eau de pluie s'est formée au milieu de la table gondolée, et quelques feuilles mortes, petites taches de lumière ambrée, glissent lentement à sa surface, criblées par les gouttes de pluie qui viennent faire onduler la surface de la flaque. La corde à la linge est complètement immobile, il n'y a pas un souffle de vent, juste le vacarme des gouttes d'eau qui grésillent comme une radio mal réglée, en martelant le sol et les toits de tuile. Un drap rose, quelques torchons, une ou deux chemises et un autre drap. Tous, abîmés jusqu'à la corde, délavés et usés par les années. 
La vision de ce linge, imbibé par l'eau de pluie, oublié du monde, m'a submergé d'une douce vague de mélancolie, une tristesse réconfortante d'automne. J'imagine la maîtresse de maison pressée, au travail ou dans un magasin, regardant par la fenêtre et se rappelant soudainement de son linge étendu dehors. J'imagine le soleil prometteur qui devait briller ce matin-là. Et ce linge fraîchement lavé, prêt à se dorer dans la lumière, tout frétillant à l'idée d'onduler dans la légère brise d'une douce journée d'automne, mais qui finalement se met à pleurer toute cette eau de pluie qui ruisselle à travers chacune de ses fibres, et tombe telle un torrent de larmes à ses pieds, formant une flaque de boue qui vient éclabousser le bas des draps.
Ce genre de vision me donne envie de m'enrouler dans une couette bien sèche, un thé brûlant entre les mains, et un feu de cheminée qui me crame les yeux, alors que seul les gouttes cognant la vitre du velux me rappelle que dehors, il pleut.

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