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"I'll tell you all my secrets but I'll lie about my past."
25 avril 2016

Les matines

Le jour tout neuf nous fait des oeillades à travers les rideaux. Encore emmitouflés dans la chaleur un peu moite de nos corps endormis, on ouvre les yeux l'un sur l'autre. C'est un lundi matin, il est encore tôt. On se lève en s'étirant comme des chats, on titube jusqu'à la cuisine. J'ouvre la fenêtre, pendant que les petits bruits du matin envahissent la pièce ; la vaisselle qui s'entrechoque, la bouilloire qui grésille, l'eau du robinet dans l'évier, le grincement d'une chaise sur le sol. L'odeur du café envahit peu à peu la cuisine, le nuage chaud et musqué de cette fragrance vient m'envelopper la nuque, pendant que je frissonne de plaisir, caressée par le froid sec du petit matin. Une légère brise à la main balladeuse me chatouille la poitrine. Je scrute les toits, immobiles, les tuiles rouges qui semblent s'embraser sous le soleil levant. Des restes de nuages rose pastels coulent sur l'horizon. Je colle mes mains gelées sur ma tasse brûlante et fumante. Il y a dans l'air un mélange d'odeur qui met du  baume au coeur. L'odeur d'une nouvelle journée, pleine de promesses, mais aussi l'étrange mélancolie de parfums remontés du plus profond de mon enfance. D'abord, cette fumée âcre et tenace du café sous mon nez. Et puis le petit vent dynamique et intrépide, chargé des débuts de journée de dizaines de travailleurs. La douceur sucrée de l'odeur des brioches et du pain chaud du boulanger. La senteur délicate des jeunes plantes du fleuriste. L'amertume de l'essence et du goudron brûlé par les pneus des véhicules de livreurs. La tenacité des odeurs de sciure de bois, de peinture et de métaux qui remonte des immeubles en travaux, au loin. Tout ce mélange incongru et délicieux d'odeurs qui me rappellent le café de ma mère, les gateaux de ma grand-mère, les ballades à vélo à travers les bois, mon père qui bricole dans le jardin... Je ferme les yeux, fait un grand saut dans le temps, et puis je rebondis dans le présent, lors de ce petit matin silencieux, à la fenêtre du quatrième étage d'un immeuble bordelais, enlacée par des bras accueillants. 

                                                                   Chea tao-7

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